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Blog officiel de Bernard de La Villardière
26 juillet 2007

A quoi servent les journalistes ?

presse

Je suis en Californie pour quelques jours de vacances en famille. L’occasion de zapper sur les chaînes américaines et notamment les journaux du matin. J’ai pu voir les meilleurs moments de cette première sur CNN : associée à la plateforme Youtube, la chaîne d’info en continu a permis à des citoyens d’envoyer leurs questions sur vidéos et d’interroger directement les candidats démocrates pour la course à la Maison Blanche. 3 000 questions ont été enregistrés sur webcam et envoyés à Youtube. Trente-neuf d’entre elles ont été retenues. Et c’est la rédaction de CNN qui a opéré la sélection. Difficile de se passer des journalistes ! Un observateur américain a d’ailleurs noté que le présentateur – Anderson Cooper – a posé 42 questions à lui seul ! Patrick Poivre d’Arvor était resté plus effacé dans « J’ai une question à vous poser » sur TF1 l’hiver dernier ! Lundi soir sur CNN, les huit candidats à l’investiture démocrate - dont Barak Obama et Hillary Clinton - n’ont pas vraiment été déstabilisés par cet exercice de pseudo démocratie directe. Ils sont restés très « langue de bois », que ce soit pour évoquer le mariage « gay », le port d’arme ou le Darfour. On a tout de même sourit des trouvailles des internautes : la question sur le réchauffement climatique était posée par un bonhomme de neige !

Le débat sur le rôle et la place des journalistes bat son plein aux Etats-Unis comme en Europe. A des niveaux différents, Internet et « people » ont changé la donne.

Internet d’abord, qui permet à tout le monde d’avoir accès à l’information ou même de devenir lui-même producteur d’info. Dés lors, a-t-on encore besoin des journalistes ? Hier matin dans le San Francisco Chronicle, Kathleen Parker s’interrogeait sur le sérieux de certains témoignages anonymes auxquelles Internet offre une audience inespérée. Ainsi depuis quelques mois, le New Republic édite le journal d’un soldat américain en Irak. A le lire, tous les GI’s en Irak sont des monstres. Ils violent, tuent tout ce qui bougent et jouent au foot avec des crânes d’enfants retrouvés sur des charniers. Le soldat qui raconte ses horreurs veut garder l’anonymat. Des choses terribles se passent tous les jours en Irak. Mais il est curieux qu’un soldat soit parvenu à être le témoin de tant de crimes de guerre. Interpellé sur ce point, le journal dit mener une enquête pour vérifier le sérieux de son informateur. Si la crédibilité de ce témoignage n’a pas été contestée à ce jour c’est qu’elle conforte notre aversion à l’égard de ce conflit. Mais cela suffit-il à fonder la véracité d’un récit ? Comme l’écrit Kathleen Parker, on a tendance à croire ce que l’on veut croire. C’est ainsi que les théories du complot trouvent sur Internet autant de résonance. La complexité du monde encourage le manichéisme et la paresse. « Le public ne s’intéresse plus à la recherche de la vérité, au mieux il s’en divertit, au pire elle l’ennuie, car il se persuade qu’elle ne lui est pas accessible » (Marc Dugain – La malédiction d’Edgar). C’est en effet un des drames de l’époque : plus il y a de moyens de s’informer, plus on se réfugie dans les solutions simples perdant au passage tout sens critique. C’est humain : on recherche ce qui nous conforte dans nos préjugés, davantage que ce qui risque de nous amener à réviser nos jugements. Le journaliste doit par essence se défier de ce travers. Son premier ennemi, c’est lui-même. Et il faut la force d’une vocation et de l’expérience pour parvenir à s’en défaire.

L’autre interrogation concernant le métier de journaliste est liée au poids de ce phénomène que l’on appelle le « people ». Fin juin, une journaliste de la chaîne américaine MSNBC a refusé d’ouvrir son journal par la sortie de prison de Paris Hilton. Les deux co-présentateurs se faisant insistant, elle a tenté de mettre le feu à son conducteur avant de l’expédier dans

la broyeuse. La vidéo de l’incident a fait un tabac sur Youtube. Mira Brzezinski a reçu des dizaines de milliers de messages de sympathie. Mais ce jour-là, Paris Hilton a monopolisé les Unes un peu partout dans le monde.

Il faut souhaiter que les journalistes continuent de résister aux pressions de cette idéologie sournoise que sont le cynisme et l’argent roi. Il n’y a pas de journaux sans lecteurs. Mais la seule recherche de l’audience condamne un journal et son public à mourir de froid.

Jean-François Revel disait du journalisme que c’était le plus jeune métier du monde Un trait d’humour plein de bon sens et tout à fait d’actualité.

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