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Blog officiel de Bernard de La Villardière
14 janvier 2010

Coco, fais court et saignant !

Les journalistes du syndicat SNJ - CGT de France Télévision ont demandé la déprogrammation d’un débat entre le ministre de l’Immigration Eric Besson et Marine Le Pen, vice-présidente du Front national, sur France 2. Il va servir à alimenter disent-ils, « l’infâme débat sur l’identité nationale » et « servira à flatter les mauvais instincts ». Toutes les opinions doivent s’exprimer et qu’un syndicat marque sa désapprobation ne me choque pas. Mais qu’il s’érige en censeur et demande l’annulation pure et simple d’un débat entre deux responsables politiques me paraît excessif et dangereux.

 Le débat sur l’identité nationale fait tourner les têtes. Il déclenche les passions et c’est bien normal. Mais au nom de quoi un syndicat de journalistes voudrait-il l’interdire ? D’exclusions en anathèmes, il me semble que la démocratie recule.

 

Le terme d’identité nationale est devenu un terrain miné. Mais cela dérange-t-il vraiment hommes politiques et responsables des médias ? Ils feignent le dégoût mais en fait ils s’en délectent. Car voilà qui permet de mettre un peu de passion dans les duels télévisés. Il suffit d’allumer la mèche et c’est un vrai feu d’artifice ! Déclenchant fantasmes, insultes et excommunications, le débat sur l’identité nationale convient parfaitement au nouveau temps médiatique : faire court et spectaculaire.

 

Je suis aux Etats-Unis et je viens d’assister à une repentance télévisuelle tout à fait instructive. Le sénateur Reid, leader de la majorité démocrate au Sénat a présenté ses excuses au Président américain au cours d’une conférence de presse. Excuses acceptées par Barack Obama, magnanime. Reid avait déclaré durant la campagne électorale – ce que viennent de révéler deux journalistes dans un livre – que le candidat Obama avait plus de chance de gagner que tous ses prédécesseurs noirs, car il avait « a light-skinned appearance » - la peau plus claire -, et qu’il ne s’exprimait pas dans un « negro-dialect ». C’est surtout ce dernier terme qui a choqué - à raison - l’opinion et les observateurs politiques.

 

Dans un éditorial publié par le Los Angeles Times, David Greenberg, professeur d’histoire, de journalisme et spécialiste des médias déplore tout de même la place réservée à un tel dérapage. Il rappelle d’ailleurs que l’expression « negro-dialect » est recensée dans 3 780 publications par Google et que jusque là, on ne lui avait pas trouvé un caractère raciste.

 

Mais plus sérieusement, David Greenberg voit dans cette affaire une nouvelle manifestation de ce cycle de fausses controverses dans lequel médias et monde politique trouvent leur compte. La presse et notamment les chaînes de télévision préfèrent les scandales et les mises à mort aux longs exposés polis et nuancés. Quant aux politiques, ils s’accommodent fort bien de cette vision binaire où l’adversaire n’est pas un contradicteur mais un salaud qu’il faut expédier au tapis.

 

Aux Etats-Unis comme en France, le terrain le plus propice à ces empoignades est l’immigration, la xénophobie et le racisme. Ce sont les feux qui bouent sous la marmite de l’identité nationale. Il est urgent de les éteindre. Mais une prise de conscience collective est préférable à la censure.

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