Devant des étudiants en journalisme, Pierre Nora suppliait : « soyez et restez journalistes, ne devenez pas des média - men ! » C’était il y a quelques années, alors que la « peoplisation » de l’information faisait ses premiers ravages. Depuis, l’obsession de l’audience a perfectionné ses outils. Aujourd’hui, le Léviathan médiatique lèche, lâche et lynche ses proies. Ce sont les principes du recyclage appliqués au traitement – non pas des déchets – mais de l’actualité. Celle-ci ne fonctionne plus que sur un seul thème éternellement rabâché sur tous les supports.
Dans ce feuilleton permanent, les hommes ou les femmes publics portés vers les paradis artificiels de la renommée doivent se méfier de la descente. Elle peut être aussi brutale que pour un toxicomane. Après le grand flash de la starisation, l’enfer du lynchage.
Les média - men auraient-ils pris l’avantage sur les journalistes attachés à l’exactitude et la hiérarchie de l’information ?
On peut déplorer en tous cas la place accordée récemment aux déboires de l’équipe de France ou à l’affaire Bettencourt. Des symboles nous dit-on. Mais de quoi exactement ? D’une soudaine obsession de pureté ou d’une « société - malade – de son propre spectacle » ? Et pendant ce temps, la guerre des bandes s’étend dans les quartiers, l’école fabrique de l’analphabétisme, l’hôpital est menacé de tiers-mondisation et des soldats français tombent en Afghanistan.
De vrais polémiques en faux scandales, l’information se comporte comme « un missile qui n’atteint jamais sa cible » ( Jean Baudrillard).
Bernard de La Villardière