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Blog officiel de Bernard de La Villardière
24 mai 2011

Une légère gueule de bois ...

21 mai 1981 : l’investiture de François Mitterrand et l’arrivée de la gauche au pouvoir. Chacun y va de ses souvenirs. A mon tour. J’avais 23 ans et mon écrivain fétiche était Soljenitsyne.

Je me souviens des quatre ministres communistes entrant au gouvernement alors que les chars russes laminaient l’Afghanistan. Je me souviens des manifestants, le soir du 10 mai à la Bastille, huant le nom de Jean-Pierre Elkabbach. Je me souviens du socialiste André Laignel hurlant à la nouvelle opposition : « Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaire ». Je me souviens du fringant ministre de la Culture, Jacques Lang, lançant avec emphase que nous étions passés « de l’ombre à la lumière ».  Et de Paul Quilès, quelque temps plus tard déclarant qu’il ne fallait pas se contenter de dire qu’on allait couper des têtes, mais de dire lesquelles.

Je me souviens des 110 propositions du candidat Mitterrand dont plusieurs sont restées lettre morte : suppression du service militaire, indépendance des DOM-TOM, arrêt des essais nucléaires. Je me souviens de l’impôt sur la fortune qui épargnera les œuvres d’art pour ne pas désespérer les parents et amis, antiquaires ou collectionneurs, à commencer par la famille de Laurent Fabius.

Je me souviens des Mirages que l’Elysée a fait désarmer au salon du Bourget en juin 81 pour marquer le début d’une nouvelle ère, pacifiste et tiers-mondiste. Je me souviens aussi des contrats d’armes et des pots de vins qui ont continué comme avant. Je me souviens de l’affaire Falcone et du scandale Carrefour du Développement.

Je me souviens de la cérémonie religieuse au Panthéon, où le lyrisme le disputait au ridicule avec un Mitterrand emprunté sous le regard enfiévré d’apôtres conquis et soumis à celui qu’ils finiront par appeler Dieu. Je me souviens des Toubon, d’Aubert et Madelin exclus de l’Assemblée Nationale pour avoir osé rappeler le passé vichyste du chef de l’Etat. Je me souviens du carnet de change qui – pour préserver le Franc – empêchait tout citoyen français de quitter son pays avec plus de quelques centaines de francsen poche !

Je me souviens du Ministère du Temps Libre, de l’explosion du chômage et de l’apparition des « nouveaux pauvres ». 

Je me souviens de la déception d’Olivier Todd, journaliste de gauche, écrivant « Une légère gueule de bois ». Ils sont plusieurs à l’avoir connue à l’époque.  D’autres, comme moi, ont pensé qu’après cette épreuve du feu – celle du pouvoir -, les socialistes deviendraient raisonnables. Qu’ils cesseraient de penser qu’ils incarnent le bien contre les forces du mal. Qu’un homme de droite est forcément un salaud. Or, s’ils se sont ralliés aux lois du marché et au capitalisme, les socialistes continuent trop souvent de pratiquer l’excommunication et l’injure. Il faut les voir hurler au racisme ou au fascisme à propos de tout et de rien. Il faut les voir ces jours-ci, en appeler à grands cris à la présomption d’innocence pour le camarade DSK alors qu’ils l’ont foulé aux pieds pour Eric Woerth. Il faut les voir serrer les rangs contre le témoignage d’une modeste femme de chambre pour sauver la tête du grand argentier de la mondialisation.

L’histoire est un éternel recommencement dit-on. Ce n’est pas l’histoire qui bafouille, ce sont les hommes qui restent toujours les mêmes. Désespérément les mêmes.

 

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